Chers amis, chers confrères, chères consœurs,

La conjoncture actuelle est historiquement inquiétante.

Depuis 1980, date de création du secteur II, en dehors de la fermeture puis de la réouverture historique de 1990, aucune attaque frontale n’avait été tentée jusqu’à la diffusion de ce courrier du Premier ministre, qui annonce clairement la nécessité de contrôler — voire de fermer — notre liberté tarifaire.

Il y affirme que la liberté tarifaire constitue un obstacle à l’accès aux soins, que son dynamisme inflationniste limite le pouvoir d’achat des Français et que les Français ne comprennent pas cette liberté tarifaire.

D’autre part, il écrit que ces dépassements d’honoraires augmentent les charges des complémentaires santé, qui, de ce fait, ne pourraient pas investir dans la prévention. Selon lui, ces dépassements déséquilibreraient l’offre de soins ; c’est pourquoi il demande à deux parlementaires (le député Jean-François Rousset, chirurgien orthopédiste secteur I, et Yannick Monnet, député communiste) d’étudier les dépassements d’honoraires et de proposer des recommandations pour les contrôler, ainsi que d’étudier les raisons des choix de spécialités par les étudiants en médecine.

Ce courrier reflète clairement une commande de la mutualité visant à remettre en cause la légitimité du secteur II. Les termes et les propos sont ceux des complémentaires santé, qui manipulent la réalité :

  • Le deuxième secteur d’exercice, distinct du premier secteur aux tarifs opposables, a été créé en 1980 parce qu’il était impossible pour l’assurance maladie d’augmenter les tarifs opposables au rythme de l’inflation, alors de 8-14 % par an. Rappelons que le tarif de consultation de spécialité était de 140 F en 1992 (soit 21,35 €) et de 100 F (15,24 €) en médecine générale (Arrêté du 11 juillet 1992 relatif aux prix et tarifs d’honoraires des médecins). Ce deuxième secteur est ouvert à tous les médecins. La consultation d’un spécialiste vaudrait 50 € et celle d’un médecin généraliste 25 € si la CNAM avait tenu parole.
  • L’Assurance maladie a fermé le secteur II à l’été 1990, puis l’a réouvert quelques mois plus tard après la mobilisation (grève des CCA), en le limitant aux médecins titrés (anciens ASS, CCA, PH…).
  • Les complémentaires santé, réunies dans l’UNOCAM, siègent aux négociations conventionnelles depuis 2016 ; elles réaliseraient 42 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2025, contre 17 milliards en 2000. Elles représentent le premier reste à charge des patients (1 500 €/foyer), loin devant les dépassements d’honoraires (4,5 milliards, dont 400 à 600 millions en chirurgie — soit environ 14 €/foyer).
  • Les dépassements d’honoraires en chirurgie représenteraient 1 % du budget des complémentaires santé ; ainsi, un an de chiffre d’affaires des complémentaires représenterait l’équivalent d’un siècle de dépassements en chirurgie.
  • Les complémentaires santé dépenseraient 30 % — soit 12 milliards d’euros — en frais de gestion, ce qui représenterait l’équivalent de 30 ans de dépassements d’honoraires en chirurgie.
  • Lors de la convention de 1971, la lettre K a remplacé la lettre C pour la cotation des actes : une appendicectomie valait alors 50 consultations (20 F × 50), puis 50 K (50 × 2,70 €). La valeur de la lettre K n’a pas évolué comme la consultation, qui elle est passée de 20 F (≈3 €) à 30 €. Dans ces conditions, une appendicectomie devrait être facturée 1 500 €, une césarienne ou une néphrectomie 3 600 € (estimation selon les engagements de 1971).

Le contexte politique n’a jamais été aussi incertain et dangereux. Concernant le secteur II, la proposition de loi Garot prévoit que certains médecins pourraient être contraints à rester dans leur secteur (OPTAM) et que la liberté d’installation serait encadrée — voire supprimée pour certains nouveaux installés. L’amendement sur l’OPTAM a sauté, mais il est probable qu’il réapparaisse pendant le PLFSS.

De son côté, le sénateur LR Philippe Mouiller, pour améliorer l’accès aux soins dans les territoires, a déposé une proposition de loi (n° 494) visant à décliner les tarifs en fonction des secteurs d’exercice afin de permettre « l’accès aux soins pour tous ». Cette proposition de loi prévoit dans son article 5 une déclinaison des tarifs en fonction des secteurs d’exercice pour permettre l’accès aux soins pour tous, elle prévoit aussi une augmentation du recrutement des Praticiens à diplôme hors union européenne dans le prolongement de la Loi Vialletout qui supprime les parcours de consolidation et permet le recrutement de confrère à diplômes étrangers sur un statut précarisé de « praticien adjoint contractuel temporaire », d’une durée de 13 mois, renouvelable une fois….

Il propose aussi une amélioration de la reconnaissances soignants en pratique avancée, qui rappelons-le, touchent déjà 6 PAI (60 €) le forfait de prise de contact, puis 5 PAI soit 50 € le forfait de suivi et un bilan ponctuel à 3 PAI (30 €).

C’est dans ce contexte politique particulièrement instable que plusieurs textes (PPL Garot, proposition Mouiller, PLFSS, etc.) se préparent et pourraient annoncer l’encadrement — voire la suppression — du secteur II, en fermant la possibilité de sortir de l’OPTAM ou en interdisant aux jeunes installés de choisir ce secteur d’activité.

Le syndicat des chirurgiens urologues, le SNCUF, fait partie de l’Union des Chirurgiens de France (UCDF), qui a décidé, lors de son conseil d’administration, d’organiser, comme par le passé, un déplacement massif des chirurgiens libéraux français vers Bruxelles. L’objectif est de donner à nos représentants syndicaux une force de frappe. Il est expressément demandé aux collègues de s’inscrire avant le 30 septembre.

Si, dans la PPL Garot, la proposition Mouiller ou le PLFSS il n’y avait aucune attaque, il est probable que nous annulerions notre voyage ; si l’Assemblée nationale était dissoute, nous modifierions notre déplacement. En revanche, si l’Assemblée se maintient, un déplacement massif devrait permettre d’informer le pouvoir politique que nous sommes prêts à nous battre jusqu’au bout pour défendre nos intérêts et la qualité des soins.

Cette opération concerne 16 000 chirurgiens en activité libérale, 3 000 anesthésistes libéraux et 1 000 gynécologues obstétriciens. Nous vous demandons de vous inscrire sur le site de l’UCDF ; nous préparons l’opération Bruxelles, qui se déroulera du dimanche 11 janvier 2026 au mercredi 14 janvier 2026.

Pour lancer l’opération, il faudra être au moins 3 000 inscrits au 30 septembre.

Bien évidemment, cette arme de dissuasion vise à protéger notre secteur d’exercice.

Certains diront que notre mouvement n’aura servi à rien ; mais si nous ne faisons rien et que le secteur II est attaqué frontalement ou indirectement, il sera alors bien trop tard pour réagir — après la publication du PLFSS, fin octobre 2025.

Rendez-vous à Bruxelles.

Amitiés

Didier Legeais
Président du SNCUF

Sources : 

– Arrêté du 11 juillet 1992 relatif aux prix et tarifs d’honoraires des médecins. https://www.senat.fr/leg/ppl24-577.html