Cher(e)s collègues,

Nous avons encore eu récemment des mises en cause pour des prescriptions de fluoroquinolones injustifiées.

Il est indispensable que nous appliquions collectivement les restrictions de prescriptions des fluoroquinolones comme recommandées par l’Agence Européenne du Médicament depuis 2018-2019 et l’ANSM depuis octobre 2022 (1).

Les fluoroquinolones sont une classe d’antibiotiques qui peuvent être utilisés lors d’infections bactériennes graves et uniquement dans ce cadre-là.  

Les fluoroquinolones peuvent être à l’origine d’effets indésirables graves et très graves. Ils restent rarissimes mais néanmoins ils sont parfois dramatiques car ils sont invalidants et parfois irréversibles d’où les restrictions actuelles. Ces effets indésirables peuvent se manifester dès les premières 48H du traitement et jusqu’à plusieurs mois après l’arrêt du traitement. La durée des effets indésirables est également très variable d’un patient à l’autre et peuvent durer des années. Les effets indésirables peuvent persister après l’arrêt du traitement mais la majorité des effets secondaires est réversible à l’arrêt du traitement :

  • atteinte du système nerveux (neuropathies périphériques)
  • troubles neuro-psychiatriques : confusion/désorientation, des troubles sensoriels (troubles de la vue, du goût, de l’odorat et de l’audition), des céphalées, des vertiges voire des chutes (notamment chez les personnes âgées), des troubles du comportement, une dépression, des troubles de la mémoire, une fatigue intense et des troubles sévères du sommeil
  • affection du système musculo-squelettique(douleurs et gonflements articulaires, inflammation voire rupture des tendons, douleurs et/ou faiblesse au niveau des muscles), et de leur caractère durable dans le temps, invalidant et potentiellement irréversible, tous les tendons peuvent être atteints (épaule, coude, genou, hanche), en particulier le tendon d’Achille (talon/cheville) qui est le plus susceptible d’être touché. L’utilisation concomitante de corticoïdes et de fluoroquinolones doit être évitée dans la mesure où elle augmente nettement le risque de tendinopathie comme chez la personne âgée, ou insuffisant rénal, ou greffé rénal, ou reprise d’activité après repos prolongé
  • effets indésirables cardio-vasculaires très rares mais graves surtout chez la personne âgée : trouble du rythme cardiaque (Allongement QT), anévrisme et dissection aortique (surtout si antécédents familiaux ou personnels (athérome, HTA), syndrome de Marfan, le syndrome vasculaire d’Ehlers-Danlos, l’artérite de Takayasu, l’artérite à cellules géantes (ou maladie de Horton), la maladie de Behçet ) , régurgitation/insuffisance des valves cardiaques (surtout si antécédents de valvulopathie ou  les affections du tissu conjonctif (par exemple le syndrome de Marfan ou le syndrome d’Ehlers-Danlos), le syndrome de Turner, la maladie de Behçet, l’hypertension artérielle, la polyarthrite rhumatoïde et l’endocardite infectieuse
  • photosensibilisation 

Il est donc indispensable de ne les prescrire qu’après avoir soigneusement évalué leurs bénéfices au regard des risques d’effets indésirables attendus, et après avoir informé le patient des signes d’alerte et la conduite à tenir face à des symptômes annonciateurs d’effets indésirables pouvant être graves car ils nécessitent une prise en charge médicale rapide dans un service d’urgence.

Voici les signes cliniques à apprendre aux patients : à partir de 48h, pendant plusieurs mois, et parfois après la prise d’une seule dose :

  • douleurs pendant ou après l’effort (lors de la contraction d’un muscle ou d’un étirement) ou lors de la palpation d’un tendon, ou encore par un épaississement ou par la formation d’une boule au niveau du tendon.
  •  douleurs et/ou faiblesse inhabituelles au niveau des bras ou des jambes
  • palpitations, sensation de battements du cœur irréguliers ou rapides.
  • douleur soudaine et intense au niveau de l’abdomen, de la poitrine ou du dos.
  • essoufflement, en particulier lors de la position allongée, par un gonflement des chevilles, des pieds ou de l’abdomen.
  • sensations de brûlure, de fourmillements, de picotements, de douleurs ou encore d’engourdissements, notamment au niveau des mains ou des pieds.
  • se protéger du soleil à l’aide de vêtements couvrants, chapeau, etc., et éviter les rayons UV artificiels (lampe à bronzer, solarium,….).
  • rougeurs, irritations ou démangeaisons au niveau de la peau, notamment suite à une exposition au soleil ou aux rayonnements UV artificiels (lampe à bronzer, solarium, etc.).
  • confusion/désorientation, des troubles sensoriels (troubles de la vue, du goût, de l’odorat et de l’audition), des céphalées, des vertiges voire des chutes (notamment chez les personnes âgées), des troubles du comportement, une dépression, des troubles de la mémoire, une fatigue intense et des troubles sévères du sommeil.

Il faut aussi demander au patient pendant toute la durée du traitement et pendant plusieurs mois après l’arrêt du traitement, de signaler la prise de fluoroquinolone à chaque professionnel de santé consulté et, en cas d’apparition de douleurs abdominales, thoraciques ou dorsales soudaines et intenses, de se rendre immédiatement au service d’urgence ou appeler le 15.

Il faut lesprescrire uniquement pour des infections bactériennes pour lesquelles l’utilisation d’une fluoroquinolone est indispensable. Elles doivent être évitées dans toutes les situations où d’autres antibiotiques peuvent être utilisés. 

En particulier elles ne doivent pas être prescrites :

  • pour traiter des infections non sévères ou spontanément résolutives
  • pour prévenir la diarrhée du voyageur ou les infections récidivantes des voies urinaires basses
  • pour traiter des infections non bactériennes, comme la prostatite (chronique) non bactérienne
  • pour traiter des infections de sévérité légère à modérée (notamment cystite non compliquée, exacerbation aiguë de la bronchite chronique et de la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), rhino-sinusite bactérienne aiguë et otite moyenne aiguë), à moins que les autres antibiotiques habituellement recommandés pour ces infections soient jugés inappropriés
  • à des patients ayant déjà présenté des effets indésirables graves avec un antibiotique de la famille des quinolones/fluoroquinolones

En pédiatrie, leur utilisation doit être limitée à des infections le plus souvent documentées sur le plan bactériologique et après avis d’un infectiologue pédiatre.

Nous devons impérativement progresser dans ce domaine car notre responsabilité de prescripteur est importante et peut entrainer des effets secondaires dramatiques.

Vous trouverez ci-dessous une fiche « infos patients ».

Bien confraternellement,

Didier LEGEAIS
Président du SNCUF

 

RAPPEL MEDICAMENTS A BASE DE FLUOROQUINOLONES :

  • Ciprofloxacine (Ciflox, Uniflox et génériques)
  • Lévofloxaxine (Tavanic et génériques)
  •  Ofloxacine (Oflocet, Monoflocet, génériques)
  • Norfloxacine (génériques)
  • Moxifloxacine (Izilox et génériques)
  • Loméfloxacine (Décalogiflox et Logiflox)
  • Delafloxacine (Quofenix)

En cas de  survenue d’un effet indésirable, celui-ci peut être déclaré directement par les patients via www.signalement-sante.gouv.fr.

 

Remarques :Les mécanismes physiopathologiques impliqués dans la survenue de ces effets indésirables persistants ne sont pas élucidés. De nombreuses hypothèses sont évoquées dans le rapport de l’EMA : stress oxydatif et toxicité mitochondriale, inhibition de la prolifération et de la migration cellulaire, induction d’apoptose, ischémie ou propriétés chélatrices des FQ sur les ions métalliques. Selon Michalak et al., si certaines de ces hypothèses pourraient expliquer la survenue d’EI persistants, elles restent complètement théoriques. Aussi, en l’absence de mécanisme identifié, il n’est malheureusement pas possible à l’heure actuelle de proposer un traitement à ces EI persistants sous FQ.

1 : https://ansm.sante.fr/dossiers-thematiques/les-antibiotiques/fluoroquinolones

2 : https://sfpt-fr.org/pharmacofact-blog/1774-f009-les-fluoroquinolones-doivent-%C3%AAtre-%C3%A9vit%C3%A9es-en-pratique-courante

3 : https://www.rfcrpv.fr/wp-content/uploads/2020/10/Lettre-dinfo-des-CRPV-n%C2%B02-avril-mai-juin-2020.pdf